Le mois dernier, j’ai participé à La soirée secrète organisée par La Loge, un collectif de jeunes artistes qui soutient le spectacle vivant. Nous avions rendez-vous place de Thorigny dans le 4ème arrondissement de Paris à 20h précise. Le reste ? Je l’ignorais…

C’est ainsi que je me suis retrouvée à la bibliothèque historique de la ville de Paris. Quelle découverte ! Dans chaque recoin du jardin, de la cour pavée ou de l’immense bibliothèque, se tenaient des performances théâtrales et musicales pour la plupart très engagées. Mais c’est l’homme turc et la jeune fille aux yeux noirs qui m’ont le plus touchée. Lui était assis sur un tabouret, son instrument à cordes sur les genoux (je dis instrument à cordes car j’ignore le nom de cette petite guitare ronde). À ses pieds il y avait un tapis berbère rouge et orange et des guirlandes qui diffusaient une lumière chaude. L’homme ne parlait pas français. À sa gauche, se tenait cette très jolie fille au regard pétillant et aux cheveux bruns et bouclés ramassés en une queue-de-cheval un peu floue. Elle portait un haut noir irisé, un jean slim gris foncé et des chaussettes à paillettes assorties à son t-shirt. C’est sur ce détail que mes yeux se sont attardés.

J’aime bien les chaussettes à paillettes, ça présage une forme de fantaisie chez la personne qui les porte. Une personne qui arbore des chaussettes à paillettes paraît tout de suite plus sympathique, tu ne trouves pas ? Un peu comme ces hommes d’affaires qui mettent un point d’honneur à porter des chaussettes ou des lacets aux couleurs criardes, comme pour nous dire « Ne te méprends pas, je suis bien plus funky que j’en ai l’air ». J’entends haut et fort la révolte intérieure de ces jeunes cadres rebelles aux chaussettes bariolées. 

Il y avait donc cette comédienne qui interprétait un texte personnel sur sa condition de jeune femme d’origine turque. Je ne m’en souviens plus très bien. Mon attention oscillait entre ses chaussettes et cette ombre gigantesque derrière elle qui accompagnait chacun de ses gestes. Toutes ses phrases débutaient par « On m’a appris » et racontaient son éducation en une série de souvenirs. (Un peu à la façon de l’exercice « Je me souviens » dont je te parlais ici).

Cette performance m’a inspirée.
J’ai alors essayé de recenser à mon tour ce qu’on m’avait appris sans trop y réfléchir.
Essaie, tu vas voir comme notre éducation et nos croyances sont ancrées en nous. Ce serait intéressant de demander à des hommes et des femmes de cultures différentes de se prêter au jeu, tu ne crois pas ? Je te parie qu’en lisant mes « On m’a appris » tu peux deviner facilement mon genre et mon héritage culturel, sans rien savoir de moi au préalable. 

On m’a appris qu’il ne faut jamais faire confiance à un homme les yeux fermés.
On m’a appris qu’il n’est pas bon de se mettre en colère.
On m’a appris à être joyeuse, douce et aimante.
On m’a appris que le secret d’une bonne cuisinière est de maintenir un plan de travail propre et rangé.
On m’a appris que dans la vie il y a toujours les baiseurs et les baisés et qu’il faut choisir son camp.
On m’a appris à servir les hommes en premier.
On m’a appris que le curcuma et le cumin sont les secrets d’un plat réussi.
On m’a appris qu’il y a une hiérarchie dans la fratrie et que je dois faire le kavod* à mes sœurs aînées.
On m’a appris qu’il faut sourire pour être entourée.
On m’a appris à ne rien dire pour ne pas en rajouter.
On m’a appris que c’est par le sexe et la nourriture qu’on garde un homme.
On m’a appris qu’il faut savoir pardonner.
On m’a appris que l’argent ne fait pas le bonheur mais qu’il y contribue.
On m’a appris que les hommes aiment les femmes légères et pas trop compliquées.
On m’a appris à ne jamais me coucher fâchée.
On m’a appris qu’aussi vrai que le bonheur ne dure pas, le malheur non plus.
On m’a appris que les femmes les plus poilues sont les plus belles.
On m’a appris que dans la vie on mange son pain blanc et son pain noir.
On m’a appris que les gens ne disent pas toujours ce qu’ils pensent.
On m’a appris à prendre le moins de place possible.
On m’a appris que c’est en donnant qu’on reçoit.
On m’a appris qu’on ne peut compter que sur soi-même.
On m’a appris qu’il vaut mieux une petite qui frétille, qu’une grosse qui roupille.
On m’a appris à donner de l’amour, beaucoup d’amour.

Je précise que je ne pratique pas tout ce qu’on m’a appris et heureusement.

*gloire en hébreu – Montrer des signes de respect

ps : Qui que tu sois, sache que si tu as envie, tes « On m’a appris ». Je prends un plaisir immense à te lire. 

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