Je l’ai rencontrée en classe de sciences nat’, au milieu des squelettes et des scalpels.

Elle détonait avec son gilet vert, son pantalon en velours orange et ses Kickers trouées. Des marguerites blanches en plastique pendaient à ses oreilles. On aurait dit qu’elle sortait tout droit des années 70.

Je me suis concentrée pendant l’appel pour savoir qui elle était. C’est drôle, on a presque le même nom de famille et nous sommes nées le même jour, mais ça, je l’ai su bien après.

La prof nous a demandé de nous mettre par groupe de deux. C’est elle qui m’a choisie la première.

Avec Violette, nous étions inséparables. Le genre d’amitié-fusion où l’on ne peut pas survivre l’une sans l’autre. Je passais tous mes week-ends chez elle. Je l’aidais avec ses devoirs de français, et elle m’apprenait à m’épiler. J’enchaînais les baby-sittings pour m’offrir les mêmes habits qu’elle. Elle disait que le violet m’allait bien au teint. Je n’aimais pas cette couleur mais je lui faisais confiance. Elle répétait que plus tard, elle serait styliste ou mannequin. Je n’avais aucun doute sur le fait qu’elle y arriverait. Violette obtenait toujours ce qu’elle voulait.

Une fois, son téléphone a sonné en cours. Elle a répondu. Avant même que Monsieur Corniche ne dise quoi que ce soit, elle était effondrée sur le sol. Entre chaque sanglot, elle prononçait un mot ; sa mamie venait de mourir. J’avais demandé à la raccompagner. À peine avions-nous franchi les grilles du lycée, qu’elle chantonnait :
– Je vous ai bien eu ! Je ne comprenais pas. Bah, fais pas cette tête. Dis-moi plutôt merci. Grâce à moi, tu viens d’échapper à 2h d’enfer, à supporter l’haleine fétide et les blagues sexistes de l’autre cornichon.

Chaque année, pour nos anniversaires, elle programmait l’Extravangaza Day, une journée où tout était permis. No limit, comme elle disait. J’essayais de la freiner parce que je n’avais pas suffisamment d’argent, pour la suivre dans ses lubies. Ce à quoi, elle répondait : No worries.

Par souci d’équité, nous partagions la journée en deux. Le matin, je faisais tout ce qu’elle voulait et l’après-midi, on permutait. Comme je n’avais pas autant d’idées, on finissait par suivre son programme, et ça m’allait. J’adorais la regarder rire pendant ces journées. Ce que je préférais, c’était sentir son souffle sur ma joue lorsqu’elle me maquillait.

Une fois, elle m’a mise au défi d’aborder un couple, et de me faire passer pour la copine officielle. Je n’étais pas à l’aise avec cette idée, mais elle a dit que si je ne le faisais pas, ça voulait dire qu’elle ne comptait pas pour moi. Comme elle comptait, je l’ai fait.

Pour m’aider, elle m’avait écrit un script. Elle répétait que c’était comme pour la téléréalité, du scandale et des sensations fortes ! J’avais mis le paquet. Le garçon avait démenti. La jeune fille l’avait insulté avant de se barrer. Il faut dire que j’avais été plutôt convaincante. Violette avait tout filmé.

– Il n’y a pas de doute ! Toi, plus tard, tu seras actrice de cinéma. Je raconterai à tout le monde, que c’est moi, qui t’aie découverte.