Les Romantiques Anonymes

Je fais partie des Romantiques Anonymes.
De celles qui aiment en silence. De celles qui font semblant de ne pas…alors que…

Pourtant la Saint-Valentin n’a aucune importance pour moi. Pas plus que la Sainte-Catherine ou la Saint-Jean. S’il fallait vraiment en choisir une, j’opterais pour le 9 août, le jour de la Saint-Amour.

La Saint-Amour, ce n’est pas une histoire de roses rouges et de chocolat en forme de cœur.

La Saint-Amour présage une histoire peu ordinaire, l’amour vrai, l’amour fragile et vertigineux.

La Saint-Amour, c’est se dire je t’aime en tremblant, c’est se sentir vivant, c’est la promesse d’un amour dévastateur.

La Saint-Amour, c’est la célébration d’une histoire universelle, la tienne… la mienne aussi.

Quand je pense à l’Amour, des airs me reviennent.
Je crois avoir toujours associé une chanson à une grande histoire d’amour, vécue ou insoupçonnée. Mes plus belles romances existent dans mon imaginaire. Alors, quelques notes seulement suffisent à les raviver.

You’ll always be a part of me, I’m a part of you indefinitely.

Me voilà plantée devant la porte de la cantine, espérant le croiser. J’entends résonner mon cœur dans mes tempes. Il passe la porte. Je manque de m’évanouir.

Il est 15h, nous sommes dans la cour de récré. Mes copines posent devant lui pour que je puisse le photographier en cachette. Cette photo, mon bien le plus précieux.

Et puis, coup de folie ! Je lui glisse des mots d’amour anonymes dans son agenda Clairefontaine bleu, pendant que les filles font le guet. Un cœur sur chaque page.

Soudain, cette dernière soirée en Espagne me revient.

Les corps se déhanchent dans un bar miteux, pendant que je sèche mes larmes dans les toilettes. Il vient d’emballer Émilie. Je croyais qu’il m’aimait… J’avais imaginé cette dernière soirée des milliers de fois. Il devait s’approcher de moi, l’air faussement confiant et m’inviter à danser. Il devait me faire rire. Dans notre bulle, nous aurions oublié les regards rivés sur nous. Il aurait fixé ma bouche, attendu que je termine mon Malibu ananas, et aurait délicatement déposé ses lèvres goût Mary Jane sur les miennes.

Au lieu de ça, j’ai passé les douze heures de car à les regarder s’aimer, sur l’air de Truly Madly Deeply, le cœur au bord des lèvres goût coco. Il n’en a jamais rien su.

L’amour ne m’a jamais paru aussi vif que dans les années Lycée. J’ai tellement de tendresse envers cette jeune fille timide, qui ressentait tout et qui ne disait rien.

Et un jour, tu grandis.

Force est de constater que l’amour, ce n’est pas comme dans Dawson ou Romeo + Juliette. Tu aurais pourtant rêvé le séduire par aquarium interposé. Aujourd’hui, tu n’y crois plus. Coincée dans l’ère de la flemme et du cynisme, il n’y a plus d’histoires à se raconter. Tu te forces à jouer le rôle de cette femme forte et libérée. Plus de temps pour la romance ! Plus de place pour la sensualité ! Aujourd’hui, il faut être blasé·e. Il faut être pressé·e.

Seule dans ton lit, tu fais glisser ton pouce à droite, et le plus souvent à gauche, sur l’application de ton choix ; quand tu entends la voix de Lara Fabian à la radio.

Antoine, ton amoureux de troisième apparait devant toi. Sa mèche blonde lui tombe sur le coin de l’œil et te fait toujours autant craquer. La planche de surf en argent qu’il porte autour du cou est intacte.  

20 ans plus tard, rien n’a changé. Tu es cette même romantique invétérée.  

J’y crois encore, à tout jamais encore plus fort. Le silence a eu tort. J’y crois encore.  

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