Petite, je piquais des colères terribles. Je détestais cet état, cette perte de contrôle sur mes gestes et ma voix. L’émotion prenait toute la place. Je lui appartenais. Je voulais me calmer ; je n’y arrivais pas. J’avais honte parfois.

Ma mère pénétrait dans ma chambre, s’installait à mes côtés, posait une main sur mon dos. Je me débattais. Je ne voulais pas être touchée… C’était pourtant la clé.

Elle continuait à caresser mon dos dans un mouvement circulaire. Elle attendait que ça lâche, et ça finissait par lâcher. Je me blottissais alors dans ses bras. La tête sur sa poitrine, elle caressait mon visage, en partant du haut du front jusqu’à ma joue.

Ces crises arrivaient souvent après une journée où je m’étais sentie submergée. Trop de questions posées, la sirène des pompiers, des disputes, des cris, l’ampoule défectueuse qui clignote, l’étiquette de mon pull qui me gratte toute la journée. Les collants qui tombent, l’odeur du tabac froid, la craie qui grince sur le tableau, une goutte d’eau qui coule dans ma manche, le parfum trop sucré de la maîtresse, les tensions qu’on sent mais qui ne se voient pas, le bout de mes chaussettes mouillé.

Ce n’est qu’une fois adulte, que j’ai mis un mot sur cet état de porosité extrême, qu’on appelle aujourd’hui hypersensibilité.

Savais-tu que le toucher est le premier sens que nous développons, bien avant l’ouïe ou la vue ?

… Parce qu’il est des choses qui ne se disent qu’avec les doigts.